Et si on augmentait la qualité au lieu de baisser les prix ?

À l’heure où le Ministre du Redressement productif demande : « à rééduquer les acheteurs publics pour qu’ils ne restent pas enfermés dans leurs grimoires et qu’ils agissent en patriotes en promouvant le made in France », il peut être intéressant de s’interroger sur les modalités de cette promotion et de son éventuel impact sur l’économie et les finances publiques.

Les acheteurs publics sont-ils enfermés dans des grimoires ?

Frédéric Zannini : Depuis 2001, il a fallu intégrer un nouveau cadre juridique pour passer d’un ancien système de gré à gré à des principes fondamentaux de liberté, d’égalité et de transparence.

Ce long travail de sensibilisation juridique a contribué à construire un achat public moderne et efficace, même si certains acheteurs hésitent encore à utiliser la négociation ou les variantes pour choisir une offre économiquement avantageuse, et même si les délais de paiement légaux ne sont pas toujours respectés.

Parallèlement à ce travail de sécurisation juridique, la raréfaction des ressources a, quant à elle, fait prendre conscience aux acheteurs que les 75 milliards d’euros dont ils disposent pour leurs achats agissent directement ou indirectement sur l’économie et les finances publiques.

Grâce à la formation, les acheteurs publics se sont professionnalisés, mais certains prescripteurs ou décideurs restent encore enfermés dans des formules désuètes.

Le made in France  peut-il être promu comme le demande le Ministre pour redistribuer les fonds de l’achat public à des entreprises qui fabriquent en France ?

Frédéric Zannini : La réglementation ne le permet pas directement, mais cela me semble possible en optimisant la dimension stratégique des besoins.

Une meilleure prise en compte du volet technique pourrait indéniablement avoir un impact sur l’économie et sur les finances publiques tout en restant dans un cadre légal.

Concrètement, en quoi le développement de ce volet technique pourrait-il agir sur l’économie et sur les finances publiques ?

Frédéric Zannini : Le cœur de l’achat public repose sur une définition précise du besoin. Les outils du code permettent d’obtenir une réponse à son besoin dans des conditions avantageuses, dès lors que l’on exprime clairement le niveau de qualité, les fonctionnalités et les performances attendues.

Dans le contexte actuel des finances publiques, beaucoup cherchent à réduire leurs dépenses et se focalisent sur les prix. Si la sélection se fait principalement sur le prix, il est simple de comprendre quel est le type d’entreprise qui gagne les appels à concurrence et pourquoi de nombreux acheteurs souffrent de l’exécution des marchés.

Si on fixe un niveau plus élevé de qualité et de performance, voire d’innovation et qu’on veuille bien y mettre le prix afférent, il y a fort à parier que les meilleures offres émaneront d’artisans, d’experts ou d’entreprises responsables et qualifiées et tant mieux si elles sont françaises ou produisent en France.

Cette redéfinition du besoin peut profiter à l’ensemble de l’économie et des finances publiques par son effet exponentiel et distributif.

L’élévation de la qualité entraîne des économies sur les coûts globaux de fonctionnement (fluide, maintenance, ergonomie…) et le nécessaire développement des entreprises pour y répondre produit de nouvelles recettes économiques comme l’impôt sur les sociétés (IS), la contribution économique sur la valeur ajoutée (CVAE) ou la TVA.

Les milliards versés par les personnes publiques aux entreprises peuvent également être redistribués sous forme de salaires (donc de prélèvements sociaux) et de nouveaux investissements liés aux exigences de la demande.

Le cercle vertueux ainsi produit entre la demande et l’offre peut dynamiser la croissance en élevant la qualité du service public et la production des entreprises. Cela me semble être un beau programme patriotique.